A l’annonce de la mise sur satellite de la télévision tchadienne, beaucoup de Tchadiens de la diaspora étaient contents de pouvoir enfin voir des images du pays, histoire de briser un peu la nostalgie. En seulement 48h, tout le monde a déchanté, désabusé par tant de manquements, sans compter les railleries des autres africains : « c’est ça votre télévision nationale !».
Dotée d’un budget de 4 milliards de FCFA, la télévision tchadienne est un abime de carences de toutes sortes.
Y a-t-il des dessins animés pour les enfants ? Voit-on des documentaires ? Quelle blague ! Pas l’ombre d’un seul. L’autre jour, on a vu un match de foot, pendant vingt minutes, on n’a pas pu voir le ballon, le pauvre cameraman a du avoir le torticolis.
On peut faire le constat de mauvais cadrages, d’une très mauvaise qualité du son, de studios décorés comme des chambres d’étudiants sans aucune originalité, avec tout le patrimoine culturel du Tchad, quel gâchis ! Parfois avec des fautes de goût gravissime, imaginez sur un espace de 3m² trois pots de fleurs en plastique.
A propos du JT en français
En règle générale, il ne dure pas plus de 7mn, et on a beau se concentrer, il n’y a aucune ligne directrice, aucun plan dans ce journal, par exemple la subdivision de l’édition en page politique, économie, faits de société, événements, une page régionale, est totalement inconnue du chef d’édition. Faut pas rêver, en 2 mois, nous n’avons jamais entendu une seule info concernant Sarh, Moundou, Doba, Abéché, Ati ou Faya. Le reste du Tchad n’existe qu’à travers les paysages et le folklore.
Concernant le JT en arabe
C’est donc la version en arabe du JT en français. Une grande surprise, le JT en arabe tchadien a disparu, et a été remplacé par un JT en arabe littéraire, incompréhensible par la presque totalité des Tchadiens.
Quel sens politique faut-il donner à cette conversion forcée ?
Le constat est là, et il est absolument indéniable qu’il y a un processus vers l’abandon de l’arabe tchadien jugé par complexe comme étant primaire vers un arabe littéraire compris par une infime minorité, c’est ce que l’on appelle le développement par l’absurde. Une remarque toutefois, lors de la récente manifestation, le discours de Deby a été traduit uniquement en arabe tchadien, c’est bien la preuve que la réalité n’échappe pas aux responsables de la communication présidentielle.
Peut-on nous expliquer ce qui empêche la cohabitation des 2 langues ?
De la communication politique du gouvernement à la télévision nationale
Peut-on réellement qualifier de communication ce qu’on voit ou s’agit-il, tout simplement d’actions de propagande ? C’est une propagande dans la mesure où les médias d’Etat voient la guerre qui se déroule avec les yeux de Deby, par conséquent, on ne peut parler de communication qui suppose qu’on tienne compte d’autres éléments pour asseoir une démarche.
La propagande du régime est l’œuvre du ministère de la communication, et de la direction de la communication présidentielle. L’homme orchestre, le gourou, celui qui met tout en musique est Mahamat Hissein, ancien secrétaire général du MPS, ancien vice président de l’assemblée nationale.
Infatigable, il est sur tous les fronts, porte-parole du gouvernement, ministre de la communication, éditorialiste à la télévision, participe aux émissions télévisés, dirige les réunions sur les états généraux de la presse, intervient sur Aldjazira, sur RFI, etc. Imaginez un peu ces derniers jours avec les événements à l’Est, Mahamat Hissein en version française et arabe, on allumait la télé avec lui et on la fermait avec lui. Incroyable !
Ensuite, pour galvaniser les foules et donner un coté festif aux sorties de Deby, la direction de la communication a eu l’idée de monter des clips pour chanter la gloire de Deby «dahab djamarro», «douggou bravo» après tout c’est normal et de bonne guerre, mais là où il y a problème, c’est que les chansons servant de support aux clips sont des œuvres piratées et détournées, et ce, sans que la direction de la communication présidentielle ait l’honnêteté de le signaler (en rendant à César ce qui est à César) à défaut de penser payer des droits à leurs auteurs ou à leurs héritiers.
Que faut-il faire, quand en 19 ans de règne, aucun artiste tchadien n’a été réellement inspiré par Deby, plagiat à l’intérieur de nos frontières et plagiat au delà de nos frontières, c’est cela la génération Deby.
On peut ici relever que pour un simple clip, somme toute banal, sans des prouesses techniques particulières, les concepteurs ont dû se transporter en Libye et en Tunisie pour son montage, on en reste interdit. Nous croyions que «le Tchad était désormais rentré dans le concert des nations émergentes et sans cesse en progrès», comme on l’entend à la TVT.
Par rapport au contenu du message délivré à travers ces clips, nous avons les images sur l’exploitation pétrolière, «grâce à Deby» des manifestations de soutien censées attester de «la popularité» de Deby, des images des forces armées, symbole de sa «puissance», etc, voilà la quintessence du message politique délivré.
Au-delà de cet aspect, ce qui frappe, c’est avant tout, l’évidente mise en scène de Mme Hinda Deby, omniprésente, et on remarque bien, que les montages ont soigneusement extirpés certains détails; les autres épouses ont été zappées, c’est pourquoi on a préféré symboliser l’ère pétrolière par des tubes en acier et des conteneurs au port de Douala. C’est un secret de polichinelle que la direction de la communication travaille avant tout pour Hinda dont certains disent qu’elle est plus médiatisée que Deby. Une journaliste Camerounaise avait déjà fait le commentaire suivant sur elle : «Mme Deby Hinda a, pour moi, été plus séduite par la présidence que par le président lui-même.»
Par rapport aux derniers évènements à l’Est, pour l’équipe de Mahamat Hissein, il fallait en quelque sorte matraquer l’opinion par les images chocs de corps brulés, de morts zoomés, l’effet recherché est de démontrer la victoire par la mort des autres mais aussi de donner une leçon à ceux qui seraient tentés de rejoindre la rébellion, en un mot «voilà ce qui vous attend». Les armes et véhicules pris sur les rebelles sont exposés pour attester de leur origine soudanaise.
Malgré toute la mobilisation déployée et la collaboration active des médias français, Deby a clairement, dénoncer les mensonges véhiculés par certains médias en ligne sur le conflit au Tchad, cela veut dire que la communication n’a pas réussi, les journalistes gouvernementaux n’ont pas réussi à convaincre l’opinion internationale, d’où son mécontentement, il a l’impression de parler à des gens qui ne l’écoutent pas.
Est-ce à dire que les rebelles ont marqué des points au niveau de l’opinion internationale ?
Une chose est sure, c’est que l’opinion internationale et plus précisément tous les pays qui s’investissent dans la résolution de cette crise savent pertinemment le soutien que le Tchad et le Soudan apportent chacun de son coté aux mouvements de rébellion, selon certains sources proches de l’UA, la délégation soudanaise lors des accords de Dakar a distribué un film des positions du MJE à Amdjaras, leur base arrière en terre tchadienne, des rencontres de Deby avec le docteur Khalil(chef de la principale rébellion au Darfour), etc. Maintenant à la différence de Deby, le régime de Khartoum a montré clairement qu’il est prêt à des concessions pour la paix, ce qui complique les négociations inter-soudanaises, ce sont les ingérences américaines et israéliennes, cet aspect aussi les différents intervenants en sont conscients.
Ce qui mine l’image de la rébellion, ce sont ces divisions internes, qui consolident le sentiment d’un consensus fragile et qui offre l’opportunité à ces détracteurs (pour l’essentiel les Français) de mener campagne sur l’absence d’un leadership fort, organisé, fédérateur, capable d’assurer l’unité et la stabilité du Tchad comme le répète souvent le porte-parole du Quai d’Orsay.
Par rapport aux derniers événements, les responsables de l’UFR ont communiqué, sur tous les supports télé, Internet, radios, la défaillance militaire et l’arrestation incroyable d’un chef d’état major adjoint (fait jamais intervenu auparavant dans les différentes rebellions au Tchad), a crée l’événement et les médias suivent l’événement là où il est, tout simplement. C’est ainsi que lors de l’attaque de février 2008 sur Ndjaména par les rebelles, l’événement c’était eux, et les médias cherchaient partout les responsables de la rébellion pour qu’ils s’expriment.
La défaillance militaire a continué quand les rebelles se sont repliés et Deby a recrée l’événement en exerçant son fameux droit de poursuite.
Par rapport à l’exploitation médiatique de l’arrestation du Colonel Hamouda, on peut dire que l’équipe de Mahamat Hissein est passé à coté, certes son exposition menottée avait pour but de l’humilier mais aussi de prouver son arrestation. Mais quand on l’a interrogé, il a eu cette phrase extraordinaire au sujet de son arrestation : « Yom lek, wa yom alek, da hala askariyé..», voilà comment le chef militaire Hamouda a, à lui seul, mis par terre toute la communication de la bande de Mahamat Hissein, et retrouvé tout son honneur aux yeux des populations tchadiennes et de ses parents. En technique de communication, on dirait que le Colonel a récupéré cette camera censée l’anéantir pour torpiller la manœuvre. Bien joué !
Pour revenir à Télétchad, on peut s’étonner qu’ayant un budget de 4 milliards, les manquements soient aussi graves, que fait-on avec ce super pactole ? Pas de matériel performant, aucun investissement pour acheter des programmes, pas de réelles productions locales, alors où va le budget de la télévision? Certainement à payer de gros salaires aux journalistes, d’ailleurs c’est l’occasion de souligner qu’une nouvelle race de journalistes est née sous le règne de Deby. S’il est vrai que les médias d’Etat sont faits pour défendre la politique gouvernementale, ce qu’il nous a été donné de constater, est tout simplement un mélimélo effarant, on a vu, par exemple, que la manifestation de soutien récemment organisée, a été managée par les journalistes de la télévision Betel Miarom et Mariam Hassan, ils étaient les véritables maîtres de cérémonie remplaçant les responsables du MPS à qui revenait la tâche de gérer la manifestation.
Très motivé, le journaliste Betel Miarom s’est écrié devant l’assistance «M. le président, je voudrais vous assurer que nous sommes non pas à vos cotés, ni derrière vous mais nous sommes et serons devant vous pour fixer et traiter ces mercenaires comme vous l’avez si bien dit». Est-on encore un journaliste ou est-on déjà un homme politique sous une étiquette de journaliste ?
Au finish, la télévision tchadienne est une espèce de miroir aux alouettes qui coûte aux Tchadiens la bagatelle de 4 milliards que des professionnels extrêmement futés gèrent à leur guise, et le positionnement sur satellite d’une œuvre aussi médiocre est encore une arnaque de plus pour faire croire que le régime a considérablement modifié le paysage audiovisuel de notre pays.
Quel service public offre t-elle aux téléspectateurs Tchadiens ? Cette population tchadienne compte t-elle pour quelque chose ? Si oui, qu’est ce qu’on lui a proposé comme programme digne d’un budget de 4 milliards ? Aujourd’hui en 2009, le Cameroun a plusieurs chaines privées, le Bénin pareil, le Gabon idem, la Cote d’ivoire, le Sénégal également. Les initiateurs de ces chaînes privées sont parfois des hommes d’affaires qui sont loin, très loin même d’avoir un budget de 4 milliards et pourtant, ils ont monté des télévisions intéressantes et en plus évoluant dans un contexte concurrentiel.
Le ministre de la communication souligne sans cesse que l’ancrage de la démocratie au Tchad, est, parait-il, une réalité. Dans ce cas, comment se décline t-elle dans les médias d’Etat dans la mesure où nous n’avons entendu qu’un seul son de cloche ou plutôt qu’un seul tintamarre.
Répondant à une question à l’assemblée nationale sur les problèmes d’électricité dans les régions, le ministre du pétrole et de l’énergie a répondu : «voilà comment nous procédons pour l’électrification des régions, on achète un groupe électrogène, on le fait tourner pendant 6 mois, après, comme il n’y a pas de maintenance, ni des pièces de rechange, le groupe craque et est irrécupérable, et donc on achète un autre et ainsi de suite». C’est là tout le système Deby, tout le monde se sucre et continue de perpétuer un système de folie, seules les populations taraudées par des besoins cent fois plus urgents comme avoir de l’eau, de l’électricité, du charbon, du gaz ou des médicaments, en font les frais. On peut, dés lors, les considérer comme du bétail, leur saupoudrer n’importe quoi et continuer à s’en mettre plein les poches, et surtout rassembler toute son énergie pour s’investir sur ce qui permet de garantir sa place au soleil en figurant en bonne place dans les annales du larbinisme politique. Ainsi va la télétchad, l’ONRTV ou encore la TVT, qui sait quel est le bon sigle ?
Le ministère de la communication qui a obtenu la censure des sites et blogs tchadiens, s’est toutefois assuré par une liaison particulière de pouvoir les lire, comme ils nous lisent assidument, nous constaterons bientôt des changements à la télévision nationale et ce n’est pas le CEMGA Al Djinedi qui nous démentira, n’est ce pas ?
La Télétchad n’est en marche que 8H par jour, elle démarre à 16 H pour se fermer à 23H30 heures du Tchad. Autrement dit, seulement 8H de présence même le weekend, les journalistes font, eux aussi, la grasse matinée, peinards !
Télétchad s’ouvre brusquement et se ferme aussi brusquement, pas de bonjour, ni d’au revoir. Elle se caractérise par une grande originalité, elle n’a pas de programmes, «les émissions» passent selon un timing que seuls maitrisent les patrons de cette télévision.
En 8H de fonctionnement, il y a 3 journaux télévisés en arabe, et 3 en français qui ne dure pas plus de 7mn, le reste du temps, les paysages du Tchad et le folklore font office de programmes pour boucher les trous, quelques sketchs mille et une fois rediffusés vous découragent complètement.
En 2 mois, nous n’avons vu aucun film à la télévision tchadienne, à part celui d’un cinéaste tchadien que les gens connaissent par cœur depuis belle lurette, et tenez vous bien d’un dimanche à l’autre, on vous repasse le même film, c’est absolument inimaginable !
Aujourd’hui, partout en Afrique, les télévisions passent les séries américaines, brésiliennes, ivoiriennes, burkinabés et autres, à la Télétchad, on ne connait pas.
La Rédaction de ZoomTchad