PARTIE 2 : Quand la position dans la sphère privée commande la position dans la sphère publique et politique.
Elle avait un diplôme en gestion et voulait être la première femme Ministre des finances au Tchad. Selon ses propres confidences dans le livre écrit pour elle par un membre du gouvernement.
Sa première rencontre avec Idriss Déby sera lors d’un dîner organisé par sa tante maternelle déjà mariée au frère d’Idriss Déby, Daoussa. Cette rencontre ne sera pas concluante, elle lui demandera de la nommer Ministre des Finances! Restée sans suite, selon plusieurs témoignages, elle lui enverra plusieurs lettres enflammées par l’intermédiaire des chambellans de la Présidence qui, comme dans les royaumes, parcouraient les cérémonies pour chercher des femmes pour le harem du Roi Idriss Deby.
D’ailleurs, une fois installée au Palais, elle mènera une guerre ouverte aux chambellans de la Présidence. Elle réduira considérablement leur influence dans la vie privée de Deby.
La grande différence d’avec les autres épouses de Déby, c’est l’intérêt pour la chose politique, et bien plus encore, l’ambition d’exercer le pouvoir, de s’impliquer, de jouer un rôle important.
Mais pour exercer le pouvoir, il faut être en bonne position pour le faire. Aussi, il lui fallait occuper toute seule cette position ô combien stratégique, de Première Dame. Son mariage avec Idriss Déby mettra fin au couple Déby-Wozouna, déjà en crise ouverte.
Hinda et ses tantes parleront de « coup d’Etat » réussi, un langage militaire, séquelle de la tumultueuse histoire politique du Tchad..
La guerre fut terrible, les coups, les uns plus cruels que les autres, les humiliations allaient chaque jour crescendo. Hinda fut sans limite avec ses co-épouses : pillage de leurs biens, privations financières, suppression de leurs dotations mensuelles en vivres etc…
L’acte le plus important posé par Hinda dans cette guerre interne au sein des alcôves, c’est l’enrôlement de l’imam Hassan Hissein, Président du Conseil Supérieur des affaires islamiques, soudanais, venu du Soudan dans les bagages du MPS, parti de Déby, il sera celui qui aidera Hinda à s’imposer et à se positionner au premier plan. L’imam enverra un acte de répudiation au domicile de chaque autre épouse. Un motard de la Présidence fera le tour des résidences de Deby pour déposer à chaque épouse son acte de répudiation. Imaginez un instant le scandale ! Idriss Deby se démarquera de ces actes et dira aux familles de ses épouses que c’est un sale coup de Hinda.
Cet embrouillamini va créer de nombreux problèmes, mais Hinda obtiendra un décret lu à la radio tchadienne : Idriss Deby décréta que, seule Hinda peut porter le nom Deby Itno, autrement dit, c’était elle la Première dame. Mais quel était alors le statut des autres épouses, mères de ses fils et filles, aujourd’hui, occupant des postes stratégiques à la Présidence ou ailleurs et travaillant à ses côtés ?
La consternation fut totale dans la Capitale tchadienne. Des éléments de la police politique, l’ANS, sont venus interroger les journalistes sur les circonstances réelles de la réception de ce fameux décret. Idriss Deby avait été réveillé par un de ses frères qui avait entendu la lecture dudit décret à la radio. On raconte que Deby, totalement à l’Ouest, avait signé une pile de documents sans même les lire. Le fameux décret faisait partie du lot. Hinda avait bien préparé son coup.
Autrement dit, Hinda mena ses premières batailles pour le pouvoir au sein des alcôves du Palais rose où il lui fallut poser des actes forts. Dans cette conquête, elle pût compter sur l’appui de ses tantes mariées l’une au frère de Deby et l’autre à Oki Dagache, homme proche de Deby. Plus tard, une de ses sœurs épousera un neveu de Deby, Bedei.
La toile d’araignée autour du Chef de l’Etat se tisse petit à petit par des mariages entre des membres de la famille Hinda avec des hommes du premier cercle de la famille d’Idriss Deby occupant des positions fortes au sein du pouvoir. Jeux d’alliances et jeux de pouvoirs.
De 2005 à 2008, elle fera beaucoup parler d’elle, s’engageant sur la scène politique, sur tous les fronts, le gouvernement, la question pétrolière, le MPS… Avec bien sûr des fortunes diverses. Une attitude arrogante va caractériser ses interventions en Conseil des ministres où elle fera des apparitions, à l’étranger lors de certains Sommets, elle expliquera leur retard à certaines réunions par « une sieste improvisée » devant la consternation des membres de la délégation présidentielle.
Ayant réussi à écarter de la vie publique ses rivales et à les plonger dans une situation de confusion totale, il restait encore à Hinda, la précaution indispensable consistant à sécuriser cette position. Idriss Deby a une vie privée tumultueuse. Depuis son arrivée au pouvoir, ses anciennes maitresses ont toutes eu des strapontins à la Présidence et ailleurs, et continuent à tourner autour de lui, sans compter les nouvelles conquêtes de femmes mariés ou non. A cela, il faut ajouter les pratiques mystiques (voir son portrait sur le site).
Comme disait Marylin Monroe « Séduire un chef d’Etat, ou un homme très puissant n’a rien de difficile car c’est un homme comme un autre. La chose la plus difficile, c’est de réussir à le rencontrer. »
C’est une grande vérité, Hinda l’a bien compris, c’est pourquoi la sécurisation de son espace privé notamment par l’isolement est la condition sine qua none pour son émergence sur la scène publique et s’y maintenir. En quelque sorte, en l’espèce, c’est le privé qui tient le public. Car tout dépend du bon plaisir du Général Président Idriss Deby.
Premier acte : il faut à Hinda d’être informée des activités et déplacements de Deby. Qui est reçu et pourquoi? Aussi, son frère Khoudar est positionné au sein de la sécurité rapprochée de Deby. Son rôle est aussi d’informer sa sœur de tous les faits et gestes de Deby qui a multiplié ses lieux de résidence outre le fait que le Palais est immense. Cette position stratégique est un verrou efficace et une source d’informations très fiable pour elle.
Toujours dans le contrôle de cet accès à Deby, sa sœur Mamy occupe une place importante dans le protocole d’Etat, elle est Directrice Adjointe. Les audiences, les demandes d’audiences sont ainsi contrôlées, et neutralisées au besoin. Son frère Abderehim Mahamat Acyl est DGA à la Présidence chargé du matériel. On n’est jamais de trop.
Que l’on ne se trompe pas, les éléments de la sécurité rapprochée se livrent partout une concurrence effroyable. Chacun cherche à être bien vu, bien apprécié par le Président et son épouse cela va de soit. Par rapport à la sécurité du Président, tout le monde fait son travail, cet aspect n’est pas en cause car le Chef de la garde présidentielle y veille. Pour les gardes, il s’agit de progresser financièrement et en grade. Pour cela, il faut un plus en coup de main.
Avec ces deux positions assurées, Hinda veille sur sa place de Première Dame avec une mainmise totale sur la Présidence.
Pour encore davantage resserrer le contrôle autour de cet espace particulier présidentiel, la surveillance étroite de la direction de la communication et des médias gouvernementaux est aussi prise en compte. Beaucoup de personnes savent qu’Idriss Deby ne rate que rarement les informations à la télévision tchadienne. C’est pourquoi, un premier filtre est posé: tous les visages féminins qui sont sur la lucarne, sont regardés par Idriss Deby et ses chambellans, toujours prêts à devancer les désirs du chef. C’est la raison pour laquelle Hinda installe son beau frère Doubaye KLEOUTOUIN comme DG de l’office de radio télévision du Tchad (ONRTV), le ministre de la communication Hassan Silla Bakari était tenu d’envoyer à Hinda les candidatures féminines avec photo récente, qui postulaient pour un poste à la télévision. C’est ainsi que toutes les belles filles passaient à la trappe. Commencée sous Hassan Sylla Bakari, la pratique continua..
Depuis l’engagement de l’armée tchadienne contre Boko Haram et depuis l’infiltration d’éléments de Boko Haram dans la Capitale tchadienne ainsi que la diffusion de la vidéo de leur chef dans laquelle il jurait de venger ses hommes, Idriss Deby craint un attentat contre sa personne; d’où son refuge à 900 km de la Capitale à Amdjaress.
Ainsi donc, son lieu de résidence est à Amdjaress, l’exception c’est sa présence à Ndjaména. Chacun de nous peut constater le boulevard qui s’ouvre ainsi devant Hinda qui devient un interface entre les différents centres de décision et Idriss Deby. Et ceci est valable pour toutes les institutions à l’exception des questions militaires, de défense et de sécurité, domaine exclusif de Deby comme on l’a expliqué dans la partie 1.
Dans cette logique de monter en puissance de Hinda, les courtisans, les ambitieux sont nombreux et la bousculade est monstrueuse pour plaire à Hinda. Courbettes, flatteries, cadeaux, dévouement total, rien ne manque à la panoplie de la soumission volontaire et intéressée des politiciens, des commerçants etc.. La machine est lancée et un effet presque mécanique alimente et booste la puissance de Hinda portée par le zèle des opportunistes.
2008-2009: sur fond de guerre avec des groupes politico- militaires, Idriss Deby tend la main au Soudan et veut faire la paix. La paix est conclue.
2012: Première secousse pour Hinda Deby Itno, Idriss Deby épouse Amani Moussa Hilal, une soudanaise qui a coûté 10 milliards de FCFA au Trésor Public Tchadien pour le mariage et presque autant pour le divorce.
Amani Moussa Hilal est la fille de Moussa Hilal, chef des Djandjawids au Soudan. Lors d’une visite dans ce pays, Idriss Deby l’a rencontrée à un dîner. Après son mariage et son installation à Ndjaména, le climat de violence, d’insécurité autour d’elle, l’a fait changer d’avis. Un entourage inconnu, ne pas savoir à qui faire confiance dans sa vie quotidienne au Palais, des hommes dangereux, des menaces quotidiennes. Après un voyage à Dubaï, elle est repartie au Soudan et a demandé un divorce à l’amiable. Idriss Deby a accepté non sans lui octroyer à elle et à ses parents plusieurs milliards de francs CFA. Il tenait à garder des relations précieuses avec le Soudan, c’est une question de survie pour son régime.
La page Amani Moussa Hilal tournée, Hinda pouvait mieux respirer. La tempête Amani Moussa Hilal qui l’a poussé à se réfugier à Paris le temps des noces, va augmenter sa détermination à faire main basse sur les rouages essentiels de l’Etat pour mettre au pas tout le monde.
Prochainement : Partie 3 : La mainmise sur la Présidence terminée, cap sur l’exercice du pouvoir. Les relations de Hinda avec les femmes tchadiennes et son engagement politique contre l’opposition politique, contre les rebellions armées, le régime Hissein Habré, l’affaire Zouhoura etc…